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Le témoignage

de Matthias

          Comment résumer 4 ans de sa vie en quelques mots ?

          Tout est allé très vite. Je vivais sur un rythme fou. J’étais très entouré, très occupé, mais je souffrais de la solitude. Trop de pressions de toutes parts. J’ai commencé par perdre le sommeil. Puis tout s’est accéléré, je ne contrôlais plus rien du tout. Dans mon esprit, les idées, les pensées fusaient dans tous les sens, incohérentes, délirantes… Je pleurais beaucoup, souvent pour rien. Mon corps, mon esprit étaient semblables à une machine qui s’est emballée et qu’on ne peut plus arrêter. En mars 2010, après avoir consulté différents médecins, mes parents m’ont emmené aux urgences, puis j’ai été transféré à l’hôpital psychiatrique.

         J’étais vidé physiquement, psychiquement, émotionnellement, spirituellement, arrivé au bout de moi-même, angoissé au plus haut point. J’ai cru que je devenais fou, que j’allais en mourir. En fait, il s’agissait d’une des formes du burn-out, une « surchauffe du psychisme », une implosion interne, un épuisement total. Une pensée terrifiante était ancrée dans mon esprit : « Tu n’as pas été à la hauteur, tu resteras dans cet état-là jusqu’à la fin de ta vie. C’est fini pour toi ». J’étais convaincu que ces paroles étaient vraies. Je pensais que je finirais ma vie dans une chambre à l’hôpital, qu’on m’apporterait des médicaments 2 fois par jour et que quelques personnes viendraient me rendre visite de temps en temps. Mes parents me rassuraient en me disant que j’avais surtout besoin de repos et que tout allait rentrer dans l’ordre.

          Je pensais alors qu’en 3 à 6 mois tout s’arrangerait : il a fallu presque 4 ans !

         À l’hôpital psychiatrique, j’étais au milieu de personnes souffrant de diverses pathologies. Certaines me faisaient franchement peur ! J’étais complètement drogué par les médicaments. Une question me revenait sans cesse à l’esprit : « Pourquoi Seigneur, Tu permets que je vive ça, que je voie ça ? Je suis chrétien, comment peut-on finir comme ça ? Quel témoignage pour les autres ! ».

          J’exerce un métier, celui de pharmacien, où je soigne les autres et là, c’est moi qui suis de l’autre côté de la barrière. J’avais toujours eu une incompréhension envers les malades psychiatriques. Ça m’échappait. J’étais devenu un malade psychiatrique et j’ai eu beaucoup de mal à accepter cette réalité.

         Mon quotidien pendant les années 2010, 2011 et 2012 a été ponctué de hauts et de bas. J’avais hâte de me coucher le soir et j’étais incapable d’affronter une nouvelle journée. Ma vie se résumait à prendre des médicaments, aller chez le psychiatre pour des séances de psychothérapie et ajuster le traitement, rester allongé dans le canapé devant la télévision. Je ne pouvais plus manger à table, être invité, faire les magasins, manger au restaurant sans éprouver une panique quasi incontrôlable. Ma vie spirituelle était une véritable catastrophe : je ne pouvais plus prier, j’arrivais à peine à lire ma Bible. Dieu me semblait loin. Je pouvais juste répéter : « Seigneur, Ta grâce… », un peu comme Pierre en pleine tempête : « Seigneur, sauve-moi ! ». Je m’accrochais de toutes mes forces aux paroles que je recevais et Dieu me promettait la délivrance.

         Quand j’allais à l’église, j’étais tellement angoissé que je ne vivais plus rien du tout, j’avais surtout hâte que ça se termine ! Pendant cette période, j’ai perdu ma communion avec Dieu, la santé, mon travail, je n’avais plus aucun service dans l’église, ma famille et la plupart de mes amis étaient dépassés par la situation : ils ne savaient pas quoi faire ! Après tout, humainement parlant, que faire ? Mais mes parents et quelques personnes proches ont réussi à garder le cap pendant toute cette période. Je comprenais un peu mieux ce qu’avait vécu Job en perdant tout.

Je me demandais comment ça allait finir !

          Pendant 4 ans, je n’ai pas souri, je n’ai pas ri, je n’ai rien ressenti d’autre que de l’anxiété. Je me demandais comment ça allait finir, jusqu’où ça irait. J’ai aussi discerné l’enjeu spirituel concernant mon âme, j’ai vraiment pris conscience que j’avais un adversaire et qu’il avait juré ma perte. Mais j’ai aussi compris plus tard qu’il n’aurait pas le dernier mot. Parfois je pensais en finir, mais je n’aurais jamais eu la force de passer à l’acte : au fond de moi, j’aimais trop la vie ! Dans ces moments-là, on développe un instinct de survie. Quelque part, on apprend à se connaître vraiment. Je savais que des chrétiens fidèles ne se lassaient pas de prier pour moi. Certains prenaient de mes nouvelles, d’autres m’envoyaient des SMS pour m’encourager : ça me faisait un bien énorme !

Qu'est-ce que tu fais là ?

          En janvier 2013, mon état s’est aggravé : une crise de panique dans un magasin m’a conduit de nouveau à l’hôpital psychiatrique, pratiquement 3 ans après le début de l’apparition des premiers symptômes. Je tournais en rond, comme Israël dans le désert, cherchant la Terre Promise. Mon frère est venu me voir et m’a dit : « Qu’est ce que tu fais là ? ». Cette parole me rappela ce que Dieu a dit à Élie dans la caverne à Horeb : « Que fais-tu ici, Élie ? ». J’ai eu une prise de conscience : « Qu’est-ce que je faisais là ? ». Ce fut comme un déclic. Je n’y suis resté que 3 jours.

La sortie du tunnel

          L’année 2013 a été l’année de la sortie du tunnel.

          Je sentais que j’allais mieux, pourtant, le médecin-conseil de la Sécurité Sociale m’annonçait en avril que j’étais invalide, que je ne pourrais plus exercer mon métier et qu’il faudrait  envisager plus tard un emploi de travailleur handicapé. J’ai eu le sentiment que tous mes efforts et renoncements pendant ma jeunesse pour obtenir mon diplôme partaient en fumée en un quart de seconde !

10 ans de ma vie s’écroulaient en une parole ! Il m’annonçait aussi que je prendrais mon traitement à vie ! 3 mois après, j’ai réussi à arrêter les anxiolytiques. Il y a eu l’aide de Dieu dans cette affaire-là !

         En automne, mon état s’améliorait de semaine en semaine, je refaisais surface et, même s’il m’arrivait encore de replonger, je décidais d’arrêter les autres médicaments, pratiquement d’un seul coup. Je savais que c’était risqué.

         Je ne savais pas quoi penser de cette décision : foi ou manque de sagesse ? Et j’ai lu une méditation de Spurgeon : « Si le Seigneur me dit : « Captif, je t’ai délivré ! », la chose est faite, à jamais ! ». À la lecture de cette parole, j’ai dit : « Seigneur, si je lis ça aujourd’hui, je veux le vivre dans ma vie ! ».

         En décembre, alors que je ne prenais plus de médicaments depuis 1 mois, je voyais mon psychiatre pour la dernière fois. Dangereux me dit-il de faire cela, statistiques défavorables… il faut 10 ans de traitement et certains le prennent toute leur vie ! Il a même pensé qu’il s’était trompé de diagnostic ! Ma mère et moi lui avons témoigné que nous étions chrétiens et, voyant à quel point j’allais mieux, il a respecté ma décision !

         Lors d’une prédication, j’entendis que Dieu prenait du temps pour créer, reconstruire les choses. Je savais que j’étais tiré d’affaire et que j’entrais maintenant dans une phase de reconstruction intérieure. Toujours en décembre 2013, je décidais de rechercher du travail. Bien que la conseillère du Pôle-Emploi m’ait dit que je ne trouverais pas dans l’agglomération rouennaise, j’ai envoyé 120 lettres de candidature. Un pas de foi, un de plus ! J’ai passé 3 entretiens et j’ai été engagé dans une pharmacie à 5 minutes de chez moi ! D’abord pris pour 1 mois à l’essai, puis un CDD de 6 mois et en juillet 2014, je signais un CDI à 28 heures la semaine, exactement ce que je voulais ! J’ai été honnête avec mes patrons concernant ma situation et ils ont décidé de m’accompagner dans cette démarche.

La RECONSTRUCTION

          L’année 2014 a été l’année de la reconstruction. Je me suis battu pour reconquérir tout le territoire perdu, j’ai réappris à vivre. Je ne savais plus qui j’étais. Il fallait me reconstruire une identité. Je ne savais plus comment j’étais avant tout ça. Finalement, quand les autres me disent : « On te retrouve ! », ça me rassure !

         Quand on sort de la tempête, on est sonné et on ne sait pas quoi penser : « Pourquoi cette épreuve ? Quelles leçons peut-on en tirer ? ». Avec du recul, je tire plusieurs enseignements de ce que j’ai vécu :

         Pendant toute cette période, je n’avais plus rien, je n’étais plus rien du tout. La seule chose qui me restait, c’était la foi. Je peux dire aujourd’hui que ma foi a été éprouvée.

         Avant, je vivais suivant les principes bibliques : « Sauvé, pour servir ! », « Tout ce que ta main trouve à faire avec ta force, fais-le ! » pensant qu’en servant le Seigneur, je réjouissais Son cœur.

         Aujourd’hui, j’ai pris conscience qu’il y a un temps pour tout, qu’il est bon de se  mettre à l’écart de temps en temps et de se poser.

         Je sais que Dieu continue de m’aimer tel que je suis. J’ai pleinement conscience que j’appartiens à un Dieu qui m’aime d’une manière inconditionnelle. Il met Son plaisir à nous bénir et ce qui est agréable au Seigneur, c’est notre foi !

         

          J’ai profondément expérimenté la grâce de Dieu. Je sais qu’Il est près de nous, Il nous aide, nous encourage. Quand l’adversaire trouble nos pensées, Jésus se tient plus proche de notre cœur et nous dit : « N’aie pas peur, Je suis avec toi ! ».

Avant j’étais perfectionniste et « hyper consciencieux ».

         Aujourd’hui, je veux être tel que je suis, avec mes défauts, mes qualités et laisser Jésus me perfectionner. Ça n’empêche pas la sanctification ! Je veux aller à l’essentiel et ne pas me préoccuper de choses secondaires, futiles. J’aime la vie, je la savoure. Suis-je redevenu le même ? Non… je ne suis pas toujours à 100% de mes capacités, mais je vis très bien ! N’oublions pas que Jacob, après avoir lutté à Péniel, a été touché à la hanche, a  probablement boité pendant un certain temps, mais il a marché avec Dieu !

         Évidemment, aujourd’hui j’ai en mémoire ces choses, j’en porte les cicatrices, comme des blessures de guerre. Je sais que j’ai une fragilité psychique et je fais très attention à mon équilibre de vie.

          J’ai aussi compris que les hommes, même les « meilleurs » sont limités, parfois dépassés, et j’ai appris à me confier pleinement dans le Seigneur, à fixer les yeux sur Jésus seul.

          Je veux remercier tous ceux qui m’ont soutenu pendant ce long combat, par la prière, par des encouragements, tous ceux qui m’ont enveloppé d’amour fraternel, tous ceux qui ont versé des larmes sur ma vie.

          Je veux honorer mes parents qui ont tout donné, jour après jour, et qui ont mis leur vie entre parenthèses pendant 4 ans.

          Je comprends mieux ceux qui souffrent, traversent l’épreuve, et je veux à mon tour encourager tous ceux qui passent par la difficulté : Dieu est capable, Sa grâce nous suffit ! Quand on arrive au bout de soi-même, Il prend le relai et s’occupe de tout ! Gardons la foi et laissons-Le agir !

          À Dieu soit la gloire !

Matthias GRANDMARRE

Matthias GRANDMARRE

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